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April Story

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les avis de Cinemasie

4 critiques: 3.44/5

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28 critiques: 3.63/5



Xavier Chanoine 3.25 D'immenses qualités, mais un Iwai trop inoffensif
Ordell Robbie 4 un beau film apaisé pour Iwai
Alain 2.75
MLF 3.75
classer par notes | date | rédacteur    longueurs: toutes longueurs moyen et long seulement long seulement


D'immenses qualités, mais un Iwai trop inoffensif

April Story c’est du Iwai sans surprise respirant le travail bien fait sur tout ce qui est abordé le temps d’une heure de cinéma. Par la douceur exquise de sa mise en scène, le cinéaste nous emporte dans son vent frais, brise légère et apaisante dont la mélodie toute naturelle résonne encore après visionnage tant on aurait espéré passer un peu plus de temps en compagnie de Nireno, jeune provinciale d’Hokkaido fraîchement débarquée à Tokyo pour ses études, dont la motivation est de retrouver un camarade de lycée. Elle part donc seule à l’aventure et quitte ses parents pour se retrouver seule dans son modeste appartement d’étudiante. Iwai Shunji évoque alors une partie de l’adolescence a travers le portrait finement ciselé de Nireno à présent seule face à son destin, tentant tant bien que mal de braver sa timidité naturelle (la séquence de présentation en classe) et de s’insérer dans la société à travers un club de pêche intra-universitaire, seule moyen possible pour la jeune fille d’être « comme les autres », une méthode qui se rapprocherait presque du concept de l’interculturalité alors que tous sont japonais, ainsi la remarque d’un élève sur sa ville natale est un exemple de cette curiosité liée à la « différence ». De plus le jeu des flous lors du premier jour d’école exacerbe encore plus cette idée de l’inconnu.

April Story (sachant que la rentrée scolaire au Japon est au mois d’avril) est aussi une romance mignonne comme tout où l’on tente d’approcher l’être adoré par des petits pas timides. Et quoi de mieux qu’une librairie comme lieu idéal, le savoir étant le prétexte d’une rencontre faussement hasardeuse, une situation qui rappelle la bibliothèque dans Love Letter. Romantique jusqu’au bout, April Story en paraîtrait même niais mais Iwai a su garder cet esprit de « film romantique » sans verser dans le ringard, il faut bien une poignée de séquences d’une grande beauté retenue (les ballades à vélo synonymes de liberté ou d’échappées, les parapluies en fin de métrage prétextes à l’ouverture du dialogue entre Nireno et Yamazaki) pour tenir la barque, et malgré une musique qui finit par agacer par sa linéarité, le film reste charmant sans aller plus loin. C’est justement ce que l’on peut reprocher au film, c'est-à-dire cette faculté à pédaler dans le vide pendant une grosse moitié avant de prendre les choses au sérieux une fois Nireno bien insérée dans son nouveau quotidien. A cause de l’attente plutôt longue du « moment clé » sensé donner un nouveau souffle au film, Iwai répond présent mais tarde à négocier son virage sans casse : le chemin aurait pu être beaucoup plus long avec de plus grandes prises de risques, mais cette courte ballade vaut tout de même le détour grâce à un savoureux mélange de réalisme et de beauté qu’on dirait tout droit sortie d’un conte de fée.



23 février 2009
par Xavier Chanoine




un beau film apaisé pour Iwai

Après l'épique Swallowtail Butterfly, Shunji Iwai revient au moyen métrage ainsi qu'à la veine plus intimiste de Love Letter et nous offre, sur un mode plus quotidien et moins mélodramatique, un nouveau superbe voyage à l'intérieur des émotions d'une jeune femme.

Déjà, les six premières minutes du film sont un modèle d'introduction: la caméra filme les adieux des parents au travers de la vitre du train, recule vers la main de l'héroine, ensuite, une fois arrivés à Tokyo, elle se place à hauteur de tatami pour suivre l'installation de l'héroine nommée Uzuki; durant ces six minutes, on ne verra pas son visage et le film prend le parti de nous mettre à la place de son regard plutot que de donner tout de suite son visage en pature au spectateur. Ensuite, les émotions les plus simples seront retranscrites à l'aide des choix formels les plus élaborés. Lors de l'arrivée à l'université et du discours l'accompagnant, des travellings très rapides passent d'un personnage à l'autre, l'utilisation de la focale permet de refléter le regard qui se concentre sur un point précis avant de vite passer à un autre, les caméras portées, tout reflète la sensation de trop plein, de confusion éprouvée lors de la découverte d'un univers scolaire nouveau. A chaque fois que l'héroine est à vélo, la caméra s'élève vers le haut pour élargir le plan à tout l'horizon: on ressent ainsi qu'à ce moment-là elle communie avec la nature et le monde qui l'entoure. La scène du cinéma est un autre grand moment: tandis qu'un frustré essaie de s'approcher d'elle, elle découvre avec stupéfaction sur l'écran un pastiche dogma en noir et blanc de Kurosawa melangeant ambiance à la Chateau de l'araignée et personnages sortis de Kagemusha tourné par Iwai lui-meme qui commente l'idée de métamorphose; ce type de procédé fait écho au récent et superbe Parle avec Elle d'Almodovar où un film muet tourné par le génial ibérique s'insérait dans le récit pour le commenter.

Lors des scènes où Uzuki essaie d'entrer en contact avec sa voisine, les caméras portées reflètent l'angoisse ressentie au contact de l'autre. Le livre qu'elle achète (Musashino) et où elle se projette en reve ainsi que les parapluies du final sont des objets à la puissance romantique aussi grande que les billets d'avion ou les horloges chez Wong Kar Wai. La présentation, les moments de travaux de groupe, les scènes de la peche, ainsi que celles de la librairie sont également de grands moments de découverte de soi où l'on arrive après de grands efforts à surmonter sa peur de faire le premier pas, sa timidité. Au début du film, la neige présente dans le village et à Tokyo permet de faire la transition entre les deux mondes. La photographie de Noboru Shinoda donne l'impression d'un monde pur, innocent par la légèreté de ses éclairages. Quant à Takako Matsu, elle nous fait partager les joies et ses angoisses de Uzuki avec un talent qui fait que l'on a l'impression de connaitre le personnage qu'elle joue comme une bonne amie.

Le final tranche avec celui de Swallowtail Butterfly: là où les personnages de sa fresque électrique choisissaient de bruler tout ce qu'ils avaient pu obtenir pour repartir à zéro, April Story se conclut sur la joie d'avoir concrétisé un objectif simple. Et le film montre également qu'il n'y a rien de plus compliqué que de bien filmer la simplicité: par ses audaces virtuoses, Iwai a saisi les émotions du quotidien.



15 mai 2002
par Ordell Robbie


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